L’acidification des océans dépasse désormais un seuil critique pour la stabilité de la planète
Une crise grandissante pour les écosystèmes marins
La crise à laquelle sont confrontés les écosystèmes marins de la planète s’aggrave. Un indicateur essentiel de la santé des océans révèle que les systèmes marins sont bien plus menacés que ce que les scientifiques avaient anticipé. Certaines zones océaniques auraient même déjà franchi des points de basculement critiques.
Une limite planétaire franchie depuis 2020
Selon une étude publiée lundi dans la revue Global Change Biology, l’acidification des océans — processus par lequel les mers absorbent l’excès de dioxyde de carbone atmosphérique, devenant ainsi plus acides — a franchi une « limite planétaire » dès 2020.
« Beaucoup pensent que la situation n’est pas si grave », explique Nina Bednaršek, coautrice de l’étude et chercheuse principale à l’Université d’État de l’Oregon.
« Mais ce que nous montrons, c’est que tous les changements annoncés — et au-delà — sont déjà en cours, partout sur la planète, des zones les plus préservées aux moindres recoins. Nous n’avons pas seulement transformé une baie : c’est l’ensemble de l’océan qui a changé. »
Des seuils critiques déjà dépassés
Cette étude, menée avec la collaboration de chercheurs du Plymouth Marine Laboratory (Royaume-Uni) et de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), montre que les océans étaient déjà très proches de la zone de danger en matière d’acidité en 2020, et que certaines régions l’ont d’ores et déjà dépassée.
Les scientifiques estiment que la limite planétaire est franchie lorsque la concentration de carbonate de calcium — un élément indispensable à la formation des coquilles des organismes marins — chute en dessous de 20 % des niveaux préindustriels.
Selon le rapport, cette concentration serait aujourd’hui descendue à environ 17 %.
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Une menace pour la biodiversité et les sociétés humaines
« L’acidification des océans n’est pas seulement une crise environnementale, c’est une véritable bombe à retardement pour les écosystèmes marins et les économies côtières », alerte Steve Widdicombe, directeur scientifique du laboratoire de Plymouth.
« Avec l’augmentation de l’acidité des mers, nous assistons à la disparition progressive d’habitats marins essentiels, menaçant d’innombrables espèces, avec des répercussions majeures sur les sociétés et les économies. »
Les limites planétaires et leurs impacts sur l’humanité
Les scientifiques ont identifié 9 limites planétaires, dont le franchissement compromet la capacité des humains à vivre et à prospérer.
Parmi elles, le changement climatique, déjà au-delà de la « zone de sécurité » en raison des émissions continues de gaz à effet de serre, et l’acidification des océans, qui résulte également de la combustion des énergies fossiles.
En 2023, des chercheurs ont établi que six de ces limites avaient déjà été dépassées. La nouvelle étude ajoute une septième limite franchie, ce qui est particulièrement préoccupant.
Acidification plus grande en profondeur
L’étude, qui s’appuie sur des mesures de carottes de glace et des modèles de données, montre que l’acidité des océans est plus élevée dans les eaux profondes.
À environ 200 mètres sous la surface, 60 % des eaux ont déjà franchi le seuil critique des 20 %, contre environ 40 % à la surface.
Helen Findlay, océanographe biologiste au laboratoire de Plymouth et auteure principale de l’étude, souligne :
« La plupart des espèces marines ne vivent pas seulement à la surface. Les eaux profondes abritent de nombreux types de plantes et d’animaux différents. Étant donné que ces eaux changent autant, les impacts de l’acidification pourraient être bien plus graves que ce que nous pensions. »
Une perte importante d’habitats marins
L’acidification croissante des océans a déjà provoqué la disparition de plus de 40 % des habitats des récifs tropicaux et subtropicaux.
Dans les régions polaires, les papillons de mer — essentiels aux réseaux trophiques marins — ont perdu plus de 60 % de leurs habitats. Les espèces de crustacés côtiers ont quant à elles vu 13 % de leurs habitats disparaître.
Des zones particulièrement vulnérables
Richard Feely, océanographe à la NOAA et co-auteur de l’étude, explique : « Les études précédentes suggéraient que nous étions proches de la limite planétaire pour l’acidification des océans, sans toutefois la dépasser.
Ce rapport révèle que les eaux profondes, notamment dans les régions polaires à haute latitude et les zones de remontée d’eau le long de la côte ouest, ont subi un impact considérable. Ces environnements sont extrêmement sensibles à l’acidification. »
Des zones océaniques particulièrement productives et vulnérables
Richard Feely a souligné que ces régions affectées par l’acidification sont parmi les plus productives de l’océan. Leur dégradation pourrait donc avoir des répercussions majeures sur la biodiversité et les ressources marines.
Cette étude intervient alors que les principaux experts en politique océanique et en sciences marines se réunissent en France pour la Conférence des Nations Unies sur les océans. L’objectif est de répondre à la crise croissante que connaissent les océans, entre pollution plastique, exploitation minière en haute mer et autres menaces.
Un appel à une action politique urgente
« Nous vivons une époque où des études comme celle-ci n’ont plus d’impact immédiat sur les politiques, ce qui est regrettable », déplore Nina Bednaršek.
« Mais il est essentiel de documenter ces changements, et j’espère que cela influencera enfin les décisions politiques. »
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